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Perspectives spatiales 2018

Publié par JS Seytre

« Perspectives Spatiales », tour de table annuel organisé par EUROCONSULT sur la dynamique et le futur de l’industrie spatial c’est tenu le 6 décembre au Pavillon Dauphine. Pour cette édition 2018, dirigeant et décideurs de ce secteur d’activité se sont rencontrés autour de thème « l’Espace au cœur de la transformation digitale ».

Après le traditionnel discours d’accueil par le GIFAS, la parole a été donnée à Mme F. Vidal, Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation pour le discours d’ouverture. Madame la Ministre a justement rappelé l’importance de l’intégration du spatial au cœur de la révolution numérique, même si le lien qu’elle faisait entre sur l’interdépendance entre le digital et l’espace semblait manqué de conviction. Mme Vidal a cependant rappelé de façon appuyée l’importance  du développement de Copernicus et Galileo pour l’image du spatial européen.

A sa suite,  Johann-Dietrich Wörner, Directeur général de l’ESA, a exposé sa vision des enjeux et perspectives du programme spatial européen. Il est de plus en plus urgent que les états et agences spatiales s’adaptent au monde actuel en gagnant en souplesse. En regard des entreprises « hi tech » de la Silicon Valley, l’Europe pourrait donner l’impression d’être en manque d’inspiration, ce qui est pourtant loin d’être le cas (cf. les strat-up Newspace intervenues dans la dernière table ronde de l’après-midi). Pour sa part, l’ESA est déterminé à être un acteur du changement en partageant le risque à travers un partenariat public privé. Cette voie est déjà exploitée pour le développement d’Ariane 6, assez similaire à celui qu’a suivi la Falcon 9 de SpaceX. Mais le problème de perception des initiatives Européennes au sein du grand public et même par les acteurs du secteur demeure.

 

En ce qui concerne ces enjeux sur le plan national, Jean-Yves Le Gall, Président du CNES, a commencé par rappeler l’excellence française à travers l’annonce des premiers résultats de Microscope. Ils confirment le principe d’équivalence entre gravitation et accélération, à la base de la théorie de la relativité générale d’A. Einstein. Autre réussite, l’exploitation des satellites « Sentinel », qui illustrent aussi l’augmentation des capacités d’échange de données : 1 an de data de Copernicus (maillon du programme « Global Monitoring for Environment and Security », avec les satellites Sentinel) équivaut à peu près à 100 ans de données de Spot. En ce qui concerne les nouveaux programmes du CNES, plusieurs axes de travail ont été évoqués: nouveaux lanceurs (accès moins cher à l’espace avec notamment le projet Callisto de lanceur réutilisable), exploration et recherche sur les astéroïdes (coût cependant évalué à 50 000 000 $ par gramme pour une mission sur un satellite de Mars), collaboration dans le secteur de la défense etc. Ce développement, plus que jamais,  passe par une ouverture au monde et plus particulièrement une collaboration avec les autres acteurs Européen et le partage des technologies.

 

  • Nouvelles solutions numériques pour les télécoms

Pour ce panel, il a été rappelé l’importance du soutient à l’évolution des technologies opérationnelles comme le satellite géostationnaire, en parallèle d’un effort de promotion des mégas constellations d’orbite inférieure. Le point commun étant le développement du segment sol, indispensable pour les nouveaux services. D’autre part,  les applications télécoms développées depuis le début du spatial sont aujourd’hui à maturité, ce qui explique que l’industrie associée marque aujourd’hui le pas. L’enjeu d’un nouveau souffle tient en partie à trouver des solutions efficaces sur les endroits où les opérateurs terrestres ne peuvent pas aller. La mobilité est toujours plus au cœur du débat. Le spatial reste en opposition au terrestre et pas un complément. L’enjeu est de décloisonner le spatial et faire comprendre aux opérateurs terrestres l’utilité d’utiliser mieux les infrastructures spatiales, au delà de la captation du signal. Il faut tendre vers un meilleur partage du spectre des nouvelles bandes (Ka etc.) entre ces deux segments des télécom. A l’heure de la conférence, Airbus Défense and Space annonçait que son premier Eurostar 3000 tout électrique  (Eutelsat 172B) était en avance de quelques jours sur son LEOP. 8 géostationnaires sur 15 dans le carnet de commande d’ADS sont tout électrique. Mais plus encore que le gain de masse sur la propulsion, est la flexibilité de la charge utile (fréquence, couverture, densité etc.)  est la clef principale pour sortir le secteur de la morosité et voir les carnets de commande se remplir à nouveau. D’autre part, ADS vient de finir l’intégration de son premier satellite destiné à une constellation orbite basse. Du côté de Thalès Alenia Space, l’année 2017 a été dense avec le lancement des 40 premiers Iridium Next. 50 lancements sont prévus en 2018, pour tous types de satellites. TAS travaille sur les solutions numériques mais également à la réduction des coûts et à des charges utiles totalement numériques permettant une reconfiguration instantanée de la mission. L’innovation numérique change aussi le profil de recrutement, avec 20% de recrutement d’ingénieurs numériciens en 2017.

Pour le moment, la phase de ralentissement marquée sur le géostationnaire se confirme avec pas plus de 10 commandes confirmées anticipées pour tout 2017, ce qui constitue un pique historiquement bas. Pour les applications matures, l’innovation tient plutôt à la réduction du CAPEX et des coûts. Un satellite devient rentable au delà de 8 ans, donc les opérateurs regardent l’état du développement du réseau terrestre à l’horizon 2030, et donc renouvellent leur flotte avec prudence. Les infrastructures spatiales ne peuvent pas évoluer rapidement et il est pour l’instant difficile pour le secteur de s’adapter face aux révolutions numériques (émergence de la 5G etc…). Malgré tout, seul le géostationnaire et les fortes puissances d’émissions associées permettent aujourd’hui d’avoir des terminaux personnels à un prix abordable.

Paradoxalement, le marché du satellite devrait s’orienter vers une certaine standardisation malgré une demande diversifiée, seule solution qui permette de baisser les coûts. La tendance est à la demande de satellites peu chers avec durée de vie réduite, qui peuvent être produits plus rapidement, pour faire face au cycle plus rapide de l’apparition de nouvelles technologies. Ceci ne favorise pas la recherche sur de design des plateformes ou de charges utiles. Il y a 70 satellites télécoms en cours de fabrication chez 15 constructeurs différents ; ce qui démontre le besoin de consolidation du secteur.

 

  • l’Ecosystème spatial en mouvement

Pacôme Révillon d’Euroconsult a tracé le parallèle entre l’émergence des start up (ou « New Space ») et la chute boursière des opérateurs traditionnels. Les systèmes spatiaux devront fournir 4,5 Tbit/s à l’horizon 2020, ce qui laisse présager une « rupture continue » avec la baisse permanente du coût du Tbit en orbite. 

Il y a eu plus de « smallsats » (ie masse inférieure à 50kg) lancés en 2017 (325 unités) que les 2 années précédentes réunies. Ce nombre pourrait être multiplié par 7 en 10 ans.

 

  • Usine spatiale du futur

Le concept d’une usine intégré dite « usine 4.0 » repose largement sur la continuité des données à chaque étape du développement. Pour Arianegroup qui réunit maintenant  les activités lanceur de Safran et Airbus, l’essentiel du challenge était une industrialisation nouvelle d’Ariane 6. Les procédés et moyens de production du nouveau lanceur ont été réalisés en même temps que la conception des divers systèmes. TAS doit de son côté passer à la production d’un satellite par semaine avec Iridium Next. Un des piliers de ce changement est la digitalisation, avec la simulation numérique haute performance, indissociable d’une réalisation physique accélérée : des « jumeaux numériques » sont aussi mis en place par l’ingénierie en amont.

One web est un exemple de révolution industrielle spatiale par le « Newspace ». L’entreprise a été créé en décembre 2015, et l’intégration de son premier satellite a été complété 2 ans plus tard. Airbus est un partenaire, mais a laissé toute liberté de manœuvre à la start up. La production optimale doit atteindre 2 satellites par jour. Les critères de production sont la qualité et la flexibilité avant tout ; pour cela OneWeb a défini ses propres méthodes de développement et d’intégration. Les satellites sont testés à même la chaîne d’assemblage. Avec 10 satellites par semaine, l’anticipation doit aussi passer par le « machine learning ». Les premiers exemplaires sortent actuellement d’une usine de Toulouse avant transfert de la production aux USA.

Un exemple de belle réussite française dans le spatial est Sodern. L’équipementier produisait 2 ST par an il y a 10 ans contre 50 aujourd’hui. Cette évolution de cadence rend déjà le « lean » (gestion « au plus juste » de l’approvisionnement) intéressant pour rationaliser le développement et la production. Le résultat aujourd’hui est qu’il n’y a pas d’écart dans les coûts de développement par rapport au budget initial pour le viseur spécifiquement développé pour One Web. Il n’y a pas de contrôle ultérieur du produit par One Web, avec un principe de confiance en l’industriel qui a atteint la maturité.

En dépit de ces évolutions, les entreprise rencontre un problème de disparition de certaines formations alors que les métiers existent toujours (ex.: électronique analogique, toujours nécessaire pour l’alimentation et la puissance etc.). Le numérique omniprésent pose la question de l’adaptation au cours de la vie professionnelle.

 

  • Accès à l’espace, paysage international

La gamme des satellites de 0 - 500 kg demeure très hétérogène et cherche encore son équilibre.

Il y a une émergence des offres d’ « in orbit service «, mais pas d’acteur européen pour le pour l’instant. Pourtant, Il y a un marché potentiel pour le service aux satellites déjà en orbite de 350 milliard de dollars US, voir 1150 à l’horizon 2030. De ce point de vue, la multiplicité des lanceurs existants et en développement est à relativiser.

La spécifité européenne réside dans le faible taux de lancements institutionnels face à ses concurrents (Chine, USA, Russie). Dans ce domaine, il y a toujours une très forte ambition de la Chine et l’Inde. Cependant, la  demande institutionnelle devrait s’accroître de façon significative avec Ariane 6 (jusqu’à 7 par an au-delà de 2022) et Vega C. Les 2 lanceurs partageront le booster P120 (construit de plus d'un seul bloc, contre 3 pour les EAP actuels).

La nouvelle gouvernance avec ARIANESPACE comme filiale d’Arianespace aide à la rapidité d’adaptation. Les étages supérieurs ré-allumables sont une technologie indispensable à maitriser pour la mise en œuvre d’une constellation, avec injection successive des différents satellites. L’ambition pour le spatial ne doit pas s’arrêter là, le futur est déjà en route avec Vega E et Prométheus. Mais les institutions doivent suivre cet effort, avec un engagement idéalement comparable à celui du gouvernement US pour son industrie aérospatiale. Pour les industriels, ce ne serait qu’un juste retour des choses par en regard des efforts actuellement consentis.

 

  • De nouveaux enjeux de sécurité

Malgré l’intérêt de la Commission européenne sur ce sujet, les états membres continuent à tenir un rôle fondamental sur les questions de sécurité, mais il y a aussi une émergence du secteur privé dans le domaine.

Les satellites jouent un grand rôle dans la sécurité grâce à la surveillance spatiale ; donc il est également primordial de veiller à la sécurité des satellites. Le renforcement de la cyber-sécurité fondamental pour les données fournies par Galileo par exemple

Au sein de la SGDSN, la sécurité spatiale prend une part croissante. Il ya en autre un signal sécurisé PRS pour l’usage militaire de Galileo. . Le SGDSN gère aussi la loi spatiale et la classification opérationnelle des véhicules en orbite : les satellites d’observation avec une résolution supérieure à 2 m sont catégorisés comme matériel militaire.

L’ONERA a rappelé les risques liés aux débris, particulièrement en orbite basse. Il y a un besoin nouveau d’observation depuis l’orbite basse. En comparaison, les demandes de moyens sur les orbites MEO ou elliptique restent faibles. Les moyens radar à haute fréquence en orbite restent également à développer, mais, comme pour d’autres projet de grandes envergure, une collaboration européenne serait nécessaire pour accélérer leur mise en œuvre.

 

  • Numérique et imagerie

Cette présentation était largement orientée vers les start-ups du spatial œuvrant dans ce domaine, comme par exemple « Planet ».

Il y a maintenant beaucoup de donnée d’imagerie satellitaire, mais très peu de travail sur l’exploitation par les utilisateurs, donc un marché potentiel de service à développer.