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Programme SOLARIS de l’ESA, une ambitieuse promotion de captation de l’énergie solaire depuis l’espace

Publié le par JS Seytre

ESA SBSP (vue d'artiste - copyright Roland Berger)

L'ESA annonce la mise en place d’un programme d’étude préparatoire à l’exploitation de l’énergie solaire grâce à des satellites en orbite. On pourrait même parler de station spatiale, comme le but ultime serait la mise en œuvre de véritables centrales solaires orbitales.

Ce programme, nommé SOLARIS, sera proposé au prochain conseil de l’ESA qui se tiendra en novembre 2022. Ce projet ambitieux pourrait s’inscrire dans un vaste plan de souveraineté et de leadership de l'Europe en matière d’énergie décarbonée.

L’utilisation de satellites pour capter l’énergie solaire et la transmettre sur Terre est connue sous le sigle de SBSP (Space Based Solar Power).  Dès 1968, Peter Glaser, un ingénieur de la NASA, produisait un modèle d’étude prouvant la faisabilité du concept. La toute première étude de l’ESA sur le sujet remonte elle à 1979. Les USA ont lancé un satellite test en 2020 et la Chine prévoit de mettre sur orbite des installations pilotes vers 2030 et des SBSP opérationnels à l’horizon 2040. D’autres pays tels que le Japon, la Grande-Bretagne et l’Inde auraient également des programmes en cours.

Cependant, les défis technologiques sont évidemment nombreux. La construction de ces centrales avec des panneaux d’une superficie de plusieurs km2 positionnés en orbite géostationnaire ou aux points de Lagrange justifierait par exemple la réalisation du lanceur européen super lourd d’une capacité au moins équivalente au Starship de SpaceX.

 

ASPECT TECHNIQUE

Le concept de captation l’énergie solaire avec retransmission vers la Terre a été est un sujet étudié depuis plus de 50 ans. Les avantages sont nombreux :

  • En collectant de l’énergie solaire depuis l’espace, on a pas de déperdition due à l’absorption de l’énergie par l’atmosphère. Sur Terre, un panneau photovoltaïque typique génère 100 W/m² en moyenne, alors qu’en orbite, on est autour du kW/m², voire mieux en utilisant des concentrateurs.
  • Avec un satellite en position géostationnaire, l’illumination par le Soleil est permanente (hors saison d’éclipse autour des équinoxes), et donc l’énergie solaire peut être collectée en continu, de jour comme de nuit, par un réseau unique de récepteurs au sol.

Cependant, les défis technologiques sont nombreux avant d’en arriver à l’exploitation de ces centrales photovoltaïques spatiales: lancement, assemblage en orbite et enfin faisceau de transmission de l’énergie et redistribution sur Terre.

Si les technologies existent déjà pour un tel projet, les dimensions titanesques qu’il nécessite soulèvent néanmoins beaucoup de questions. Pour commencer, la structure devra à la fois résister aux contraintes d’un lancement et pouvoir être facilement assemblée en orbite, par des robots ou des astronautes. Les panneaux solaires des plus gros satellites géostationnaires actuels ont une envergure de 40 m (soit environ 17 m par panneau), et même si de nouveaux panneaux souples et déroulables de puissance comparable devrait prochainement faire leur preuve en orbite, il faudra concevoir des structures allant jusqu’à 1 km de longueur pour générer une puissance significative au sol après les différentes pertes de puissance à chaque étape de transmission. Ceci implique aussi le développement d’un lanceur « XXL », avec un étage supérieur réutilisable, pour emmener des astronautes-bâtisseurs et les remmener sur Terre ; mais aussi pour aller ravitailler et réparer la centrale solaire orbitale, qui un projet qui n’a de sens que sur plusieurs décennies. Il faudra aussi adapter les systèmes de contrôle d’attitude, de maintien sur orbite et de propulsion pour contrôles efficacement ce géant de l’espace avec une inertie colossale.

De plus, les problématiques dépassent largement celles du segment spatial. Une centrale solaire orbitale nécessite plusieurs étapes de transmissions / transformations de l’énergie:

  • Solaire en électrique (puisque le concept se base sur la technologie du photovoltaïque)
  • Electrique en radiofréquence, par des faisceaux de micro-ondes (au maximum de la Bande C, pour éviter la dégradation du signal par la nébulosité, ce qui reviendrait au final à la même problématique que pour les panneaux sur Terre) ou par des lasers. Un faisceau trop concentré mettrait en péril des satellites en orbite inférieure, voir la circulation aérienne.
  • Radiofréquence en électrique par des « rectenna » (équivalent au cornet récepteur d’une antenne de communication, mais qui transforme l’onde électromagnétique en courant électrique). On peut imaginer de très grandes antennes au sol (rayon de 20 à 40 km) pour récupérer un maximum de ‘spots’ de faible densité énergétique; au-delà de cette taille, trouver un emplacement adéquat apparait problématique.
  • Transport de l’énergie électrique reconvertie au sol dans les réseaux de distribution. D’où encore une fois le problème de la taille et localisation de l’antenne redresseuse : si on utilise des endroits désertiques ou un océan pour des installations dont la superficie pourrait atteindre celle de l’Aquitaine, il faut ensuite acheminer l’électricité produite vers les populations. Sans compter la nécessité des accords diplomatiques, politiques et juridiques en tout genre.

Mais peut-être que la question encore plus centrale, avant même la réalisation d’un projet pharaonique et au budget difficile proprement astronomique, est celui de la pertinence de l’objectif : en redirigeant vers la Terre une énergie qu’elle n’aurait pas naturellement reçue sans température globale devrait augmenter …. Les calculs de bilans  et les prototypes de CSO ne manqueront pas de nous apporter un ordre de grandeur de ce réchauffement… qui devra être démontré comme au moins inférieur à celui d l’utilisation d’énergies fossiles.

ESA - SBSP overview

ESA - SOLARIS

ESA - SBSP in support of Net Zero

ESA - SBSP history

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